Quelques années après le flop de San Antonio, Gérard Lanvin brise le silence et raconte sans détour la production chaotique du film.
Il y a des films qui marquent pour de mauvaises raisons, et celui-là en fait partie. Derrière l’échec, il reste les souvenirs amers d’une aventure chaotique racontée avec une rare sincérité. Peu d’acteurs osent encore revenir sur ce genre de naufrage, mais certains refusent de maquiller la vérité. Et le témoignage de Gérard Lanvin sur le film San Antonio reste sans doute le plus franc de tous.
Gérard Lanvin : le parcours chaotique dans San Antonio
Quand le film sort en 2004, c’est un désastre immédiat. Moins de 300 000 spectateurs en salles malgré un budget énorme, une presse tiède, et un public encore plus dur, qui lui colle une étoile sur cinq. Rien ne sauve cette adaptation des romans de Frédéric Dard, devenue une comédie policière bancale. Pourtant, derrière ce fiasco, se cache une production pleine de revirements et de décisions à l’emporte-pièce.
Gérard Lanvin n’a même pas été choisi en amont. Lui-même le raconte : on est venu le chercher à la dernière minute. Trois semaines avant le tournage, il apprend que le rôle lui est proposé. À ce stade, tout Paris avait déjà passé les castings, mais personne ne lui avait soufflé que le projet existait. Le producteur, malin selon lui, avait réuni Depardieu et Castaldi pour jouer le duo San Antonio et Bérurier, deux acteurs pourtant au gabarit similaire, choix jugé aberrant par Lanvin.
À l’époque, il accepte par amitié et par solidarité, sans même prendre le temps de lire le scénario. Jouer avec Depardieu, c’est une motivation suffisante. Mais derrière, tout change à une vitesse folle. Claude Berri panique, remanie le projet, change le metteur en scène, bouleverse l’esprit du film en dix jours. Lanvin aurait pu claquer la porte, son contrat le lui permettait. Mais il reste, par loyauté et par honneur. « J’aurais pu, sur contrat, dire que j’arrêtais tout. Mais j’ai de l’honneur », a confié l’acteur. Il s’accroche à son rôle, même si le film n’a plus rien de ce qu’il aurait dû être.
Des tensions et des blessures autour du film
Ce tournage se vit comme une lutte permanente. Gérard Lanvin confie qu’il a ressenti une pression énorme. Tout semblait improvisé. Le projet traînait depuis trois ans, et l’équipe changeait de direction en permanence. Le réalisateur Frédéric Auburtin, parachuté dans cette tempête, devient rapidement le bouc émissaire. « Tout le monde lui est tombé dessus », se souvient l’acteur. Pourtant, il avait hérité d’un chantier sans repères et n’avait pas eu le temps de préparer correctement son film.
Lanvin garde un souvenir amer de cette période. De grands noms du cinéma français, comme Marin Karmitz ou Claude Chabrol, critiquent violemment le projet. Pour lui, ces attaques ressemblent moins à des analyses qu’à une véritable chasse au gibier. « On s’est fait massacrer », lâche-t-il avec une franchise désarmante. Ce qui devait être une simple comédie de distraction se retrouve enterré sous des vagues de méchanceté disproportionnée.
Et au-delà de l’échec artistique, il rappelle un autre enjeu : sauver Claude Berri d’une perte financière énorme. Finaliser ce film, c’était au moins limiter la casse et rendre le projet exploitable. Une tâche qu’ils ont assumée, même dans la douleur. Pour lui, cela méritait au minimum un peu de respect. Ce n’est pas ce qu’ils ont reçu. Il parle encore d’une haine inutile, d’une dureté qu’il n’explique pas. Mais il sait aussi que ce milieu ne pardonne pas et n’offre que rarement de la compassion.
Avec du recul, Lanvin reconnaît qu’il ne referait pas la même erreur. L’expérience l’a marqué profondément. Il se dit blessé par la violence des critiques, mais reste droit dans sa manière d’assumer ses choix. Le rôle, il l’a tenu jusqu’au bout. Le film, il l’a défendu à sa manière, même si le navire coulait sous ses pieds. Et dans ses mots transparaît une chose : une fidélité à ses valeurs, une volonté de ne pas fuir, même quand tout s’écroule.