L’idée d’une grève à la carte bancaire surprend au premier abord. On pense aux tickets de métro, aux raffineries, aux enseignants… pas aux terminaux de paiement. Pourtant, des restaurateurs et commerçants ont décidé de montrer leur ras-le-bol autrement. Ils invitent leurs clients à ranger leur carte et à sortir des billets froissés.
Des réductions pour payer en liquide durant la grève à la carte bancaire
Dans le Gard, Patrick Gimenez, patron d’un petit restaurant, a pris les devants. Il offre 10 % de remise à ceux qui choisissent les espèces. Son but est clair : réduire les frais bancaires qui grignotent ses marges. L’an dernier, sa note dépassait 6 500 euros en commissions. Une somme énorme pour une petite structure qui compte chaque centime. Sa démarche ne se limite pas à l’économie : elle s’inscrit dans le mouvement « Bloquons tout » de cette semaine. Sans fermer son établissement, il affiche sa solidarité et cherche à sensibiliser.
Cette action locale illustre un ras-le-bol plus large. De nombreux commerçants dénoncent un système où chaque transaction électronique enrichit les banques. La grève à la carte bancaire devient alors un geste militant, même si son poids reste symbolique. Le choix de l’espèce prend une valeur politique et pratique. Certains clients apprécient le geste et jouent le jeu. D’autres trouvent l’initiative un peu anecdotique, mais saluent l’effort.
Une portée limitée mais une idée qui circule
L’appel circule sur les réseaux, partagé dans des groupes militants. On y retrouve des tracts, des vidéos, des slogans colorés. Certains appellent à boycotter la carte cette semaine, d’autres tout le mois. On évoque même une « grève de la consommation » pour frapper plus fort. L’économiste Philippe Crevel, lui, relativise cette dynamique. Il rappelle que tant que l’argent reste sur les comptes, les banques ne tremblent pas. Selon lui, seule une vague massive de retraits d’épargne créerait une alerte sérieuse. Dix millions de Français retirant tout leur argent en même temps, voilà qui secouerait le système.
Mais la grève à la carte bancaire isolée ne suffit pas à inquiéter les grandes enseignes financières. Elle garde surtout une valeur symbolique, comme l’avait montré l’appel d’Éric Cantona en 2010. À l’époque, la « révolution par les banques » avait fait beaucoup de bruit médiatique. Peu suivie, elle s’était éteinte sans conséquence réelle sur le secteur. L’histoire semble se répéter, avec une caisse de résonance plus numérique. Les réseaux créent du bruit, mais pas forcément de l’impact concret. Reste que l’initiative interroge et anime les débats autour des frais bancaires.
Une mobilisation plus large en toile de fond
Le mouvement « Bloquons tout » ne se limite pas à la monnaie. Il fédère syndicats, collectifs et militants autour de multiples revendications. En Île-de-France, la RATP, des hôpitaux, des pharmacies et des services publics ont déposé des préavis. À Lyon, une casserolade a été annoncée. À Nantes et Rennes, des blocages routiers sont prévus. Lille mise sur un « barbecue revendicatif » qui se veut à la fois festif et politique. Chaque territoire invente ses formes d’expression, entre humour et colère.
Dans ce contexte, la grève à la carte bancaire prend la couleur d’un symbole parmi d’autres. Elle dit la volonté de remettre en cause un système jugé trop favorable aux banques. Elle traduit aussi une nostalgie : celle d’un temps où l’espèce dominait les transactions. Les billets redeviennent une arme, ou du moins un message. Certains y voient une goutte d’eau, d’autres une étincelle. Quoi qu’il en soit, l’action ouvre un débat sur la dépendance aux paiements électroniques. Et sur le prix réel de cette modernité qu’on croyait gratuite.
Quand l’argent liquide raconte autre chose
Choisir de payer en billets devient plus qu’un geste pratique. C’est refuser une commission, montrer sa solidarité, ou juste marquer un coup. La grève à la carte bancaire n’ébranle pas encore les banques, mais elle révèle un malaise latent. Celui d’un commerce de proximité étranglé par des frais invisibles pour le client. Celui d’une société qui s’interroge sur son rapport à la monnaie. Et aussi celui d’un pays où la contestation prend des formes de plus en plus variées.
Un simple ticket de caisse peut devenir support de revendication. Un terminal refusé, un billet tendu, et le message circule. Au fond, c’est peut-être là que réside l’intérêt de cette grève. Pas dans sa puissance économique, mais dans son pouvoir de réveiller les consciences. Et rappeler que l’argent, qu’il soit plastique ou papier, raconte toujours plus qu’une addition réglée.