L’enseignante « fantôme » était en arrêt maladie depuis 16 ans, elle empochait plus de 5000 euros par mois

Seize ans d’arrêt maladie payés intégralement, jusqu’à ce qu’une inspection scolaire en 2024 dévoile enfin l’arnaque retentissante.

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Devenue une véritable employée fantôme, cette enseignante a touché sa pension complète en multipliant les arrêts maladies mensuels.

Une histoire digne d’un roman noir administratif. En Allemagne, une professeure de biologie et de géographie est restée 16 ans officiellement en arrêt maladie. Le hic ? Elle a continué à percevoir son salaire complet. Personne n’a remarqué son absence, pas même ses supérieurs. Et ce, jusqu’à ce qu’une inspection scolaire en 2024 mette au jour l’affaire. Derrière ce dossier hors normes se cache celle que la presse appelle déjà l’enseignante fantôme, et dont le parcours intrigue autant qu’il interroge.

Seize ans d’absence, un salaire qui tombe chaque mois

Elle avait commencé sa carrière en 2003, pleine d’entrain. En 2009, elle s’est arrêtée brutalement. La raison ? Une maladie chronique et des troubles psychiques. Cet arrêt devait durer quelques semaines, peut-être quelques mois. Mais il s’est prolongé indéfiniment. À mesure que le temps passait, le ministère de l’Éducation a fini par l’oublier. Dans les couloirs du lycée professionnel de Wesel, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, plus personne ne se souvenait de son existence. Le directeur actuel l’a même avoué : il n’avait jamais entendu son nom avant l’inspection de 2024.

L’enseignante fantôme n’est jamais remontée sur l’estrade, mais son salaire n’a jamais cessé de tomber. Selon les grilles officielles, ses revenus oscilleraient entre 5 051 et 6 174 euros par mois. Sur seize ans, l’addition se rapproche du million d’euros. De quoi entretenir un train de vie confortable, avec deux appartements à Duisbourg pour compléter le tableau. L’histoire choque, parce qu’elle illustre une faille dans le système, mais aussi parce qu’elle met en lumière une absence totale de contrôle pendant des années.

En principe, un médecin expert aurait dû vérifier la légitimité de son arrêt au bout de trois mois. Cette procédure n’a jamais eu lieu. Le temps a passé, l’oubli a fait le reste. La salariée, de son côté, exerçait d’autres activités professionnelles, tout en gardant le statut protecteur qui lui assurait son revenu fixe.

Quand le fantôme décide de contre-attaquer

L’affaire aurait pu rester enterrée encore longtemps si une inspection n’avait pas eu lieu au printemps 2024. Un changement de direction, quelques vérifications de dossiers, et la vérité surgit. Le nom de cette professeure refait surface, l’administration demande un contrôle médical. Elle refuse catégoriquement et fait appel. L’affaire prend alors un tournant judiciaire. La Cour administrative supérieure exige un nouvel examen médical pour déterminer si elle est réellement inapte.

Contre toute attente, l’enseignante choisit de riposter. Elle ne se contente pas de contester les demandes de l’administration : elle attaque son employeur, le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Pour elle, ce sont ses droits de fonctionnaire qui priment. La ministre de l’Éducation locale, Dorothee Feller, s’étonne publiquement : elle dit n’avoir jamais été confrontée à une telle situation. Ses mots traduisent un mélange de stupeur et d’agacement, car l’affaire dépasse le simple dossier individuel. Elle révèle un dysfonctionnement profond, embarrassant pour une administration censée être rigoureuse.

Au fil des révélations, le cas fascine autant qu’il scandalise. Comment un système entier a-t-il pu laisser filer seize ans d’absence sans alerte ? Comment des salaires entiers ont-ils pu être versés sans qu’aucun contrôle sérieux ne soit mené ? Ce n’est pas seulement une question financière, c’est un gouffre de responsabilités qui s’ouvre devant l’opinion publique.

Une zone grise dans le droit du travail allemand

Les juristes, eux, se penchent sur le dossier. L’expert Ralf Delgmann rappelle que, selon la loi allemande, un salarié en arrêt maladie continue de percevoir son salaire pendant six semaines. Ensuite, c’est l’Assurance maladie qui prend le relais. Le système prévoit une protection solide, mais il ne comporte pas toujours les mêmes contraintes qu’en France. En Allemagne, rien n’interdit de travailler pendant un arrêt maladie si ce n’est pas incompatible avec l’état de santé déclaré. Les règles sont plus souples, mais elles laissent place à des abus.

Il est peu probable, selon les spécialistes, que la professeure soit contrainte de rembourser les sommes perçues. Même si elle avait menti, prouver une fraude sur seize ans paraît extrêmement compliqué. Le pire scénario pour elle serait une révocation de son statut de fonctionnaire, avec la perte de son salaire et de ses droits à la retraite. Mais le combat judiciaire est loin d’être à sa fin.

Au fond, cette affaire dit quelque chose d’essentiel : l’enseignante fantôme n’est pas seulement une anomalie isolée. Elle est le symptôme d’un système qui s’est endormi sur ses procédures, jusqu’à oublier l’existence même de l’un de ses salariés. Et pendant que l’administration fermait les yeux, elle construisait une vie parallèle, loin des salles de classe, mais confortablement installée sur la fiche de paie de l’État.

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