L’ancien cycliste Pierre Rolland se lance dans l’aventure Gravel, prêt à relever un défi aussi physique qu’humain.
On le croyait rangé, apaisé, prêt à fermer le chapitre de la haute compétition. Mais non, pas tout à fait. Son nom reste associé à des moments inoubliables du Tour de France, à des échappées insensées et à des cols avalés avec panache. Aujourd’hui, c’est une autre histoire qui s’écrit : Pierre Rolland se lance au Gravel.
Le virage d’une vie
À 38 ans, le coureur du Loiret s’offre un nouveau terrain de jeu. Fini les voitures suiveuses, les soigneurs aux petits soins, les hôtels bien chauffés. Place aux pistes poussiéreuses, aux nuits à la belle étoile, aux kilomètres avalés sans certitude de trouver un point d’eau. Il n’a jamais eu peur de l’inconnu, mais cette fois, c’est différent. Le désert marocain ne pardonne rien, et les 555 kilomètres qui l’attendent ressemblent à une traversée intérieure autant qu’à une course.
Depuis plusieurs semaines, on le croise en bord de Loire, sur les chemins forestiers ou sur des routes cabossées. Il prépare son corps à cette épreuve d’un genre nouveau. Car le Gravel, c’est plus qu’un vélo : c’est une philosophie. Pas seulement rouler, mais se débrouiller, composer avec l’imprévu. À l’Alpe d’Huez, il lui suffisait de pédaler et de laisser l’équipe gérer le reste. Au Maroc, il devra trouver son repas, réparer sa chaîne, affronter une nuit glaciale après un col à 3 000 mètres. C’est un voyage brut, sans fioritures. Et c’est précisément ce qui l’attire.
On sent chez lui un mélange d’excitation et de crainte. La peur de se retrouver planté au milieu de nulle part avec une roue crevée. L’angoisse de voir son matériel céder à mi-parcours. Mais derrière ces doutes, il y a l’envie, une soif de liberté. Pierre Rolland, c’est un champion qui accepte de redevenir apprenti, qui accepte de se mettre en danger, loin du confort du peloton.
Un défi taillé pour l’homme, pas pour le chrono
Il en parle avec un sourire presque enfantin. L’ambition n’est plus d’arracher une victoire ni de gratter une place au classement. Ce qui compte, c’est le plaisir. Découvrir le Maroc autrement, goûter l’immensité du désert, sentir ses propres limites. Il répète qu’il veut prendre son temps, lever la tête, regarder autour. Ce n’est pas une phrase en l’air. On devine que, pour lui, chaque coucher de soleil sur les dunes comptera plus qu’un sprint gagné.
Ses années de coureur pro l’ont forgé à la discipline, à l’effort, au goût de la souffrance. Mais elles l’ont aussi enfermé dans un cadre où tout est calculé. Le Gravel l’invite à lâcher prise, à improviser. Il ne s’agit plus de dominer une montagne sous les cris du public, mais de pédaler en silence, seul face au vent. Il faudra apprivoiser la fatigue autrement, accepter de dormir peu, de boire moins que prévu, d’affronter des moments de doute sans oreillette ni directeur sportif pour souffler des encouragements.
Ce changement de perspective est peut-être son plus beau défi. Car il ne se bat pas seulement contre la distance, il se bat contre une habitude, celle de toujours courir après une performance. Sur ce terrain-là, il n’y aura pas de maillot jaune, pas de bouquet, pas de podium. Seulement lui, son vélo, et une immensité à apprivoiser. Et c’est là que le Gravel prend tout son sens pour Pierre Rolland : la rencontre d’un champion avec l’aventure pure.
Une aventure à partager
Il ne veut pas garder tout ça pour lui. Ses réseaux sociaux deviennent son nouveau journal de bord. À travers ses publications, il donnera à voir les coulisses, la poussière, les moments de joie comme les coups de mou. Cette transparence séduit, parce qu’elle raconte un sportif au naturel, sans mise en scène. Ses fans pourront presque pédaler avec lui, ressentir cette liberté qui le fait vibrer.
L’ancien grimpeur a toujours été un coureur sincère, parfois brut, jamais lisse. Cette sincérité trouve un nouvel écho dans cette aventure. Il ne cache pas ses peurs, et c’est ce qui rend son récit captivant. Parce qu’au fond, chacun peut se reconnaître dans ses hésitations, dans cette idée de sortir de sa zone de confort. On ne parle pas seulement de vélo, mais de vie.
Quand il partira le 19 septembre 2025, il emportera avec lui bien plus qu’un guidon et un sac de couchage. Il emportera une certaine idée de la liberté. Rouler pour soi, pour le paysage, pour l’expérience. Rouler parce qu’on en a envie, tout simplement. Et peut-être qu’au bout de cette route poussiéreuse, il trouvera ce qu’il cherchait sans le savoir : un nouveau souffle, loin des projecteurs.
Au fond, pour Pierre Rolland, le Gravel n’est pas juste une course. C’est une renaissance, un retour à l’essentiel, un pari sur l’inconnu. Et ça, c’est une victoire en soi.