Gabriel Zucman : « Il va être impossible de demander aux Français de faire des efforts tant que les milliardaires paieront si peu d’impôts »

La justice fiscale, ce n’est pas un slogan : c’est l’idée simple que chacun contribue vraiment équitablement, du smicard au milliardaire.

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Le projet de taxe sur les ultrariches s’impose dans la conversation publique et change le ton. La proposition ne surgit pas par hasard et reflète une impatience partagée. Un économiste connu détaille sa logique et assume un impôt plancher clair. Le nouveau gouvernement entend l’orage monter et mesure l’ampleur du sujet.

Projet de taxe sur les ultrariches

L’idée tient en quelques lignes et reste lisible par tous. Un impôt de 2 % viserait la part des patrimoines au-delà de 100 millions d’euros. En France, la cible rassemblerait environ 1 800 contribuables selon les défenseurs de la mesure. Les recettes attendues oscilleraient entre 15 et 25 milliards d’euros selon les hypothèses de rendement. Le dispositif se présente comme un plancher et non comme un barème classique progressif. Un plancher cherche une assiette solide et évite les tours d’illusion comptable. Les promoteurs dénoncent une situation où les très grandes fortunes contribuent moins que la moyenne.

Le débat ne porte pas seulement sur un chiffre, il porte sur la cohérence d’ensemble. Ce projet de taxe sur les ultrariches répond à une question simple et sensible. Qui paie quoi dans une économie où la richesse privée a explosé depuis vingt ans ? La dette publique représente environ une année de revenu national selon les comparaisons usuelles.

La richesse privée pèse, elle, six à sept années de revenu national dans les agrégats. La proposition cherche à mobiliser une petite fraction de ce capital abondant. Les partisans veulent ancrer l’effort dans la durée et rassurer le financement public. Les opposants redoutent un signal négatif sur l’investissement et la localisation des actifs. La discussion s’installe au croisement de l’efficacité et de l’équité perçue. Personne ne sort indemne d’un tel chantier fiscal, et chacun le sait très bien.

Pression politique et lignes rouges qui bougent

Le Parlement bruisse et prépare ses jeux d’alliances sous haute tension. La gauche conditionne son soutien à des gestes nets en matière de justice fiscale. Les écologistes parlent de responsabilité collective et exigent un vote audible. Le nouveau premier ministre, Sébastien Lecornu, reçoit le message sans détour ni faux-semblants. Ignorer la demande n’apparaît plus tenable dans l’arène actuelle. Une coalition trop large vers la droite fracturerait d’autres équilibres déjà fragiles.

Gabriel Zucman défend sa grille avec une constance assumée sur les plateaux. Il rappelle que les revenus logés dans les sociétés échappent souvent à l’impôt courant. Le cœur de l’argument tient à la transparence et à la capacité contributive réelle. Un plancher contourne l’optimisation agressive qui use des failles de l’assiette. Le pays traverse un blocage budgétaire et politique qui fige les arbitrages. Demander des efforts aux ménages paraît délicat sans geste vers le sommet. Un engagement clair autour du projet de taxe sur les ultrariches calmerait une partie des tensions.

Un cadrage précis sur l’assiette et les exonérations rassurerait les acteurs économiques. Une trajectoire triennale offrirait de la visibilité aux investisseurs et aux équipes budgétaires. Le débat reste vif, mais la fenêtre politique se dessine malgré les crispations. Rien n’empêche d’ajouter des garde-fous contre l’exil et les effets indésirables. Un pays gagne toujours à afficher une méthode sérieuse et un calendrier lisible.

Mise en œuvre, questions pratiques et garde-fous à bâtir

La faisabilité repose d’abord sur la qualité des données patrimoniales disponibles. Les registres d’actifs non cotés exigent une méthode robuste et des contrôles réguliers. Une valorisation prudente limite les litiges et protège l’administration comme les contribuables. Les titres non liquides demandent un mécanisme d’étalement pour éviter les ventes forcées. Un paiement fractionné stabilise les trésoreries et sécurise l’encaissement annuel.

Un crédit d’impôt coordonné avec l’étranger prévient les doubles impositions pénalisantes. La coopération européenne réduit les angles morts et ferme les routes d’évitement. L’échange automatique d’informations produit déjà des résultats concrets et mesurables. Un renforcement des équipes de contrôle crédibilise la réforme dès la première année. La pédagogie compte, car l’acceptabilité fiscale se nourrit d’explications simples. Dire comment l’argent sera utilisé aide à installer la confiance durable. Financer la transition énergétique et l’école publique parle à tout le monde.

Réduire la dette par une part ciblée rassure aussi les marchés prudents. Un comité indépendant évaluera l’impact réel sans filtre opportuniste. Des indicateurs suivront les recettes, l’investissement privé et la localisation des actifs. La transparence protège la mesure et dégonfle les procès d’intention. Un pays peut ajuster un taux si l’économie envoie un signal clair. Le projet de taxe sur les ultrariches gagne une crédibilité quand il accepte l’épreuve des faits. Une clause de revoyure calme les peurs et valorise l’évaluation honnête. Les réformes durent quand elles apprennent, corrigent et tiennent leurs promesses.

Sortir de l’incantation, entrer dans le concret budgétaire

Le moment appelle des décisions qui rassemblent plus qu’elles ne divisent. Une contribution modeste des patrimoines extrêmes change l’équation sans casser l’élan. L’objectif n’est pas de punir, mais d’aligner l’effort sur la capacité réelle. Une économie respire mieux quand chacun porte sa part visible et juste. L’administration a déjà les outils pour appliquer une réforme bien conçue. La priorité reste la clarté de l’assiette et la stabilité des règles. Les chefs d’entreprise cherchent surtout de la visibilité sur cinq à dix ans. Un cap partagé rassure les projets industriels et les fonds patients. Les ménages regardent l’équité perçue avant d’accepter de nouveaux gestes.

Le Parlement tranchera, et la décision engagera le pays tout entier. La scène politique bouge, et la fenêtre de tir ne restera pas éternelle. Le dialogue social peut aider à cadrer les usages des recettes nouvelles. L’école, la santé et la transition offrent des terrains concrets et urgents. Un pacte clair consolide la confiance quand les chiffres s’alignent honnêtement.

Le débat public sort grandi quand il assume la nuance et la mesure. Les désaccords enrichissent, si la méthode reste sérieuse et respectueuse. L’histoire fiscale s’écrit toujours à plusieurs mains, jamais à coups de slogans. Le pays peut avancer si la loi tient ses promesses et ses bornes. Le projet de taxe sur les ultrariches ne résoudra pas tout, mais il déplacerait utilement le centre de gravité. Une réforme juste s’installe quand elle prouve qu’elle sert l’intérêt général.

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