Moins de plastique, plus d’eau gratuite : la Charente-Maritime parie sur le retour des fontaines publiques partout.
Elles se comptent par milliards chaque année. Elles s’accumulent dans nos poubelles, finissent trop souvent dans la nature et polluent les mers. Pour casser cette spirale, la France s’est fixé un objectif clair. Celui de réduire de moitié la mise sur le marché des bouteilles en plastique d’ici 2030. Et c’est là que les fontaines à eau publiques reviennent sur le devant de la scène. Ce, après avoir presque disparu des villes.
Les fontaines à eau publiques, un retour bienvenu
Dans les rues de Saintes, en Charente-Maritime, trois nouvelles bornes trônent déjà au pied de l’abbaye aux Dames. Les habitants comme les touristes y remplissent leurs gourdes, heureux de profiter d’une eau fraîche par forte chaleur. Deux jeunes hommes, surpris de la qualité, lancent en riant : « Elle est bonne ! ». Le geste est simple, l’effet immédiat : moins de bouteilles, plus de confort pour tout le monde.
Le maire, Bruno Drapron, veut aller plus loin. Les commerçants participent déjà à l’effort en collant un autocollant sur leur vitrine pour signaler qu’ils acceptent de remplir gratuitement les gourdes. Mais avec ces nouvelles installations, l’ambition monte d’un cran. Les fontaines à eau publiques permettent un accès direct, gratuit et illimité à l’eau potable, tout en réduisant le recours au plastique jetable. C’est à la fois pratique et symbolique : on réintroduit un service disparu, on redonne à l’eau du robinet la place qu’elle mérite.
Le mouvement s’inscrit dans une stratégie nationale. Depuis la loi « Anti-gaspillage et pour une économie circulaire » (AGEC) de 2020, la France veut passer de 14,7 milliards à 7,3 milliards de bouteilles mises en vente chaque année. Un pari ambitieux, mais nécessaire à l’heure où l’on vend encore un million de bouteilles par minute dans le monde.
Des initiatives locales qui changent le quotidien
Le syndicat Eau 17 a compris que l’effort devait se jouer à grande échelle. L’expérience lancée à Saintes sera généralisée dans tout le département d’ici 2026. L’île d’Oléron fait déjà figure de laboratoire. Là-bas, un premier point d’eau a été installé près d’un city stade et d’un skate park, à la demande des jeunes. Le maire de Saint-Denis d’Oléron raconte qu’ils se plaignaient de ne pas avoir de point d’eau, et qu’ils l’ont réclamé eux-mêmes. La réponse fut rapide, et une borne provisoire a été installée.
Joseph Huot, élu de la commune, insiste : « Les bouteilles d’eau ne sont pas la solution. L’eau du robinet est potable, parfaitement saine. » Il prévoit d’en placer une autre près du phare de Chassiron, où les cyclistes affluent par centaines. Dans les années 50, des robinets publics existaient déjà sur l’île. Ce, avant d’être fermés par manque d’entretien. Mais aussi en raison de la surconsommation liée aux camping-cars. Aujourd’hui, les fontaines à eau publiques retrouvent leur place. Elles sont adaptées aux besoins d’une population estivale qui dépasse parfois les 300 000 personnes par jour.
Cette pression touristique impose une gestion stricte. Lors de l’Ultra-trail d’Oléron, par exemple, les organisateurs remplacent désormais les bouteilles individuelles par des bonbonnes d’eau. Le geste paraît modeste, mais multiplié par des milliers de participants, il fait une vraie différence sur les déchets générés.
Un nouveau rapport à l’eau
L’installation des fontaines à eau publiques change plus que les habitudes de consommation. Elle réintroduit une idée simple : l’eau appartient à tous et doit rester accessible gratuitement. On retrouve un geste ancien, presque oublié, qui consiste à remplir sa gourde au coin d’une rue. Cela remet aussi en question notre dépendance aux bouteilles plastiques, souvent perçues comme un réflexe automatique.
En pratique, ces bornes offrent un double bénéfice. Elles réduisent la pollution plastique et elles favorisent des comportements plus responsables. Chaque gourde remplie, c’est une bouteille de moins produite, transportée, jetée. Et chaque vacancier qui découvre cette alternative repart avec l’image d’un territoire engagé.
Mais au-delà de l’écologie, il y a aussi une dimension sociale. Ces points d’eau gratuits profitent à tout le monde, y compris à ceux qui n’ont pas les moyens de payer une bouteille à 2 euros dans un kiosque. Dans la rue, un étudiant, un cycliste ou une famille en balade trouvent la même ressource, au même prix : zéro. Et cela crée une forme d’égalité rare dans l’espace public.
La France avance pas à pas. Les collectivités locales expérimentent, testent, installent. Si le rythme s’accélère, les fontaines à eau publiques pourraient redevenir une évidence d’ici quelques années, comme elles l’étaient il y a un demi-siècle. Ce retour ne dit pas seulement quelque chose de notre rapport au plastique, il traduit une volonté plus large : celle de remettre l’essentiel à portée de main.