Dans la quête d’économies, les ruptures conventionnelles se retrouvent dans le viseur, malgré leur popularité partagée.
On pensait que les jours fériés suffiraient à alimenter les débats budgétaires. Mais c’est désormais le tour des ruptures conventionnelles, ce dispositif plébiscité par salariés et employeurs, qui se retrouvent dans le collimateur du gouvernement. François Bayrou avait soufflé l’idée, Sébastien Lecornu pourrait la reprendre : taxer davantage les indemnités versées lors de ces séparations à l’amiable. Objectif affiché : faire entrer plus d’argent dans les caisses de la Sécurité sociale.
Le succès discret d’un mécanisme simple
Depuis 2008, les ruptures conventionnelles connaissent une ascension constante. Le principe est clair : un salarié et un employeur décident ensemble de mettre fin à un CDI. Pas de bataille devant les Prud’hommes, pas de procédure interminable. En contrepartie, le salarié bénéficie des indemnités chômage, ce qui le distingue d’une démission classique. Un compromis qui semble arranger les deux parties.
Les chiffres prouvent tout. Plus de 500 000 en 2024, et déjà 128 000 au premier trimestre 2025. Un léger repli par rapport au trimestre précédent, mais qui reste révélateur d’une habitude bien installée. Selon Caroline Diard, professeure en management et ancienne DRH, la crise du Covid a accéléré cette tendance. Beaucoup de travailleurs ont voulu changer de cap, créer une entreprise, explorer d’autres métiers. Les ruptures conventionnelles sont devenues un outil de transition, presque une soupape face à un monde du travail bousculé.
Ce succès, Matignon le voit autrement. Car derrière la flexibilité, il y a un coût : près de 10 milliards d’euros d’indemnités chômage en 2024, sur un total de 37 milliards. Un quart des dépenses pour un seul dispositif. Difficile à ignorer dans un budget sous tension.
Les ruptures conventionnelles : entre recettes et tensions sociales
L’idée serait d’augmenter la contribution patronale sur ces indemnités, de 30 à 40 %. Cette hausse rapporterait environ 250 à 300 millions d’euros par an. Pas de quoi bouleverser le système, mais assez pour envoyer un signal. Modifier les comportements, inciter à limiter le recours systématique à ce mode de séparation. Pour les partisans de la réforme, il s’agit de mettre fin à un réflexe devenu trop facile.
Mais cette piste risque de heurter de front salariés et employeurs. Les premiers y voient une façon d’accéder dignement au chômage, sans conflit ni sanction. Les seconds apprécient la simplicité et le moindre coût comparé à un licenciement. Pour les syndicats, toucher à ce mécanisme revient à stigmatiser encore les plus fragiles, dans un contexte déjà marqué par les réformes successives de l’assurance chômage. Pour le patronat, c’est un outil de gestion devenu indispensable, une flexibilité qui réduit les tensions sociales dans l’entreprise.
Les partenaires sociaux reconnaissent l’existence d’abus. Certains salariés utilisent la rupture pour basculer plus vite vers l’indemnisation. Mais la plupart défendent l’équilibre actuel. Et s’attaquer aux ruptures conventionnelles, dans un climat social déjà tendu, revient à ouvrir un nouveau front. Les manifestations contre la réforme du chômage l’ont montré : chaque changement perçu comme une perte de droits déclenche une vague de mécontentement.
En fin de compte, cette réforme annoncée illustre le dilemme permanent entre finances publiques et paix sociale. Les ruptures conventionnelles, devenues la première source d’indemnisation du chômage, concentrent désormais l’attention. Pour le gouvernement, c’est un levier budgétaire tentant. Pour les salariés et leurs représentants, c’est une ligne rouge. Le débat, lui, ne fait que commencer.