Compteur Linky : des courriers commencent à partir chez les particuliers, Enedis exige 1359 €

Enedis se retrouve sous le feu des critiques après avoir accusé à tort plusieurs particuliers de fraude.

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La traque de la fraude au compteur Linky s’intensifie, laissant certains usagers de bonne foi injustement accusés.

Imaginez ouvrir un courrier officiel et découvrir qu’on vous accuse d’avoir triché. Pas un simple rappel à l’ordre, mais une facture salée, parfois plus de mille euros. Pour des familles honnêtes, c’est une gifle incompréhensible, un cauchemar administratif qui commence. Et derrière ces lettres, une même formule : suspicion de fraude au compteur Linky.

La traque lancée par Enedis

Enedis n’agit pas par caprice. Le piratage des compteurs connectés est devenu un marché noir florissant. Sur les réseaux sociaux, des individus proposent pour quelques centaines d’euros d’installer un « shunt », un bricolage qui détourne l’électricité avant qu’elle ne soit comptée. En trois ans, l’entreprise estime que 100 000 compteurs ont été trafiqués. Des centaines de millions d’euros envolés.

Et ce trou, ce n’est pas seulement l’entreprise qui le paie. Une partie se répercute sur chaque facture, via le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité. Autrement dit, les consommateurs honnêtes financent malgré eux les fraudeurs. De quoi justifier, selon Enedis, une intensification des contrôles. L’an dernier, 12 000 inspections. L’objectif pour 2025 : 30 000. Une offensive à grande échelle pour protéger le système. Mais ce durcissement cache un effet secondaire redoutable : des erreurs qui tombent sur des innocents, pris pour des tricheurs malgré eux.

Quand l’algorithme désigne au hasard

Ce n’est pas seulement le volume des contrôles qui change, c’est leur logique. Enedis ne se limite plus aux cas « certains ». Elle traque aussi les situations jugées « probables », voire simplement « suspectes ». Derrière ces mots vagues se cache une mécanique froide : une consommation jugée trop faible, un événement technique non expliqué, et la machine s’emballe. La lettre part, la présomption de fraude tombe. Pour le particulier, c’est le début d’un parcours du combattant.

Des histoires circulent, parfois absurdes. Sylvain, 64 ans, reçoit une facture de rattrapage de plus de 1000 euros, assortie de frais. Problème : sa maison était vide durant toute la période incriminée. Le technicien envoyé a même confirmé que les scellés du compteur étaient intacts. Rien n’y fait. La procédure suit son cours.

Marie-Isabelle et Hervé, eux, se rappellent très bien du 3 mai 2023. Ce jour-là, un agent raccorde leurs panneaux solaires. L’homme ne replombe pas le compteur, faute de matériel. Quelques mois plus tard, un courrier tombe : accusation de fraude au compteur Linky, avec une facture de 1 359 euros. L’erreur technique se transforme en soupçon. Le président de l’UFC-Que Choisir Manche raconte avoir reçu plusieurs cas similaires en quelques jours. De quoi alimenter la colère des associations de défense des consommateurs.

Entre statistiques et vies abîmées

Le Médiateur national de l’énergie rappelle que la majorité des dossiers traités révèlent une fraude réelle. Sur près de 200 cas en 2025, la plupart concernaient bien des manipulations avérées. Statistiquement, les erreurs sont minoritaires. Mais derrière les chiffres, il y a des vies. Pour ceux qui se retrouvent accusés à tort, la statistique ne console pas. Eux voient leur budget fragilisé, leur réputation écornée, et parfois même leur confiance envers les institutions brisée.

C’est là toute l’ambiguïté de cette lutte. La fraude au compteur Linky existe, coûte cher et mérite d’être combattue. Mais à force de ratisser large, Enedis expose aussi des familles ordinaires à un choc violent. Une simple lettre suffit à basculer dans un univers kafkaïen, où prouver son innocence devient mission impossible. Et le doute, même levé, laisse toujours des traces.

La vigilance contre la fraude restera nécessaire, personne n’en doute. Mais peut-être faut-il rappeler que derrière chaque compteur, il y a une maison, une famille, des vies. Et qu’entre le voleur d’électricité et l’usager de bonne foi, la frontière ne peut pas se résumer à une anomalie informatique. Car la présomption d’innocence, elle, ne devrait jamais être optionnelle.

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