La Hongrie voulait aider un géant russe à construire des réacteurs nucléaires sur son sol : la justice de l’UE annule le feu vert de Bruxelles après une plainte du voisin autrichien

Cette décision tombe alors que Bruxelles tente de rompre tout lien énergétique avec Moscou, après l’attaque russe.

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La Cour de justice de l’UE a annulé l’autorisation du projet d’aide hongroise pour des réacteurs nucléaires russes.

Un contrat géant, signé en secret, vient d’être stoppé net par la justice européenne. L’affaire a longtemps été enterrée dans des accords opaques. À la surprise générale, elle ressurgit aujourd’hui avec une intensité inattendue. Derrière les chiffres colossaux, des visions opposées de l’avenir énergétique s’affrontent. L’annulation du projet nucléaire hongrois résonne comme un avertissement pour toute l’Europe.

Quand la justice corrige l’Europe

Tout a commencé en 2017. Bruxelles avait donné son feu vert à Budapest afin de financer l’expansion de la centrale de Paks. Le contrat ? 12,5 milliards d’euros. Il est signé avec la Russie. Sa promesse ? Deux nouveaux réacteurs et un crédit de dix milliards offert par Moscou. La Commission européenne avait approuvé l’aide d’État, appuyée par plusieurs capitales, persuadées de rester dans les clous.

Fidèle à son ADN antinucléaire, l’Autriche a contesté. Elle a porté l’affaire devant la Cour de justice de l’UE. Ce qui lui a permis enfin d’obtenir gain de cause. Les juges ont tranché. La Commission aurait dû vérifier si l’attribution directe à une entreprise russe respectait vraiment les règles de marché public. Ce manque de contrôle ouvre la voie à une remise en question plus large. C’est le premier grand « retour en arrière judiciaire européen », qui éclaire d’un jour cru les failles d’un système censé protéger la transparence.

Du côté de Budapest, le gouvernement reste inflexible. Le ministre des Affaires européennes, Janos Boka, assure que la décision ne bloque pas la poursuite du chantier. Pour lui, l’arrêt ne fait que pointer une faille procédurale sans conséquence sur l’avenir du programme. Mais le symbole est lourd : l’annulation du projet nucléaire hongrois fragilise la crédibilité de la Hongrie sur la scène énergétique.

Annulation de Paks : une victoire éclatante pour Vienne

À Vienne, c’est un triomphe politique et symbolique. Leonore Gewessler, figure des Verts et ancienne ministre autrichienne du climat, a salué « la fin des rêves nucléaires de Viktor Orbán ». Pour elle, cet arrêt prouve que l’Europe doit tourner la page des réacteurs vieillissants et miser sur le vent, l’eau et le soleil. Elle parle d’un choix de civilisation, où persister dans le nucléaire revient à mettre en péril la sécurité et à freiner la transition.

Les ONG ne cachent pas leur satisfaction. Greenpeace dénonce « un échec réglementaire spectaculaire » de la Commission, accusée d’avoir laissé filer un dossier explosif. Climate Action Network enfonce le clou : l’argent public englouti dans ce chantier aurait pu financer des solutions plus rapides et plus propres. Tom Lewis, responsable énergie, rappelle que la Hongrie s’attend à produire un quart de son électricité avec le solaire. Pour lui, parier encore sur une centrale nucléaire lourde et lente à construire, c’est ralentir un élan déjà engagé.

Le deuxième « retour en arrière judiciaire européen » se dessine ici : les aides d’État accordées dans ce cadre deviennent illégales, puisqu’elles n’avaient pas reçu l’aval conforme. Cela soulève une question brûlante : que deviendront les sommes déjà engagées ? La Commission, de son côté, garde un ton neutre. Elle dit « prendre note », étudier le jugement, réfléchir à ses prochaines étapes. Une réaction prudente, qui ne masque pas l’embarras.

Une bataille qui dépasse la Hongrie

Cette histoire ne se limite pas à un désaccord juridique. Elle illustre la fracture européenne sur l’énergie. D’un côté, les pays qui misent encore sur le nucléaire comme pilier de leur indépendance. De l’autre, ceux qui veulent tourner définitivement la page pour investir dans les renouvelables. Entre les deux, Bruxelles, prise dans la tempête, obligée de jongler entre visions contradictoires et intérêts stratégiques.

Pour la Hongrie, l’arrêt ne remet pas officiellement en cause le chantier, mais il ternit déjà sa légitimité. La confiance dans ce partenariat russo-hongrois vacille, alors que la guerre en Ukraine a changé la donne géopolitique. L’annulation de l’aide d’État pour Paks ne gèle peut-être pas les travaux, mais elle impose un débat européen sur la direction à prendre. L’énergie n’est pas qu’une affaire de réacteurs ou de panneaux solaires, c’est un choix politique, presque existentiel.

Ce troisième « retour en arrière judiciaire européen » rappelle que la justice reste un contre-pouvoir redoutable. Face aux deals opaques et aux alliances discrètes, elle oblige les gouvernements à rendre des comptes. Et cette fois, c’est toute l’Europe qui observe la Hongrie, sommée de justifier une stratégie qui semble déjà appartenir au passé.

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