Dans une lettre ouverte percutante, Marie-Thérèse, retraitée « boomer », rappelle à François Bayrou que sa génération a cotisé énormément.
Il y a des propos qui passent mal, d’autant plus quand ils visent une génération entière. Ceux tenus fin août par François Bayrou à la télévision ont réveillé bien des rancunes chez les retraités. Derrière l’écran, des milliers ont serré les poings, se sentant caricaturés, accusés à la va-vite. Dans cette lettre ouverte à François Bayrou, une retraitée-boomer répond avec ses mots, son vécu, et une mémoire que rien n’efface.
François Bayrou : la mémoire d’une génération oubliée
Monsieur Bayrou,
Permettez que je vous écrive simplement, sans détour, comme je l’ai toujours fait dans ma vie. Vous parlez des retraités comme d’un poids pour le pays, mais avez-vous vraiment regardé notre histoire ? Nous avons porté sur nos épaules une réforme qui a changé nos vies, celle de 1993. À l’époque, la loi Balladur a rallongé la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein. Trente-sept ans et demi sont devenus quarante ans. Et comme si cela ne suffisait pas, le calcul ne s’est plus fait sur nos dix meilleures années, mais sur vingt-cinq.
Résultat : des pensions rognées. Chaque mois, je perds environ 150 euros. Et je ne suis pas seule. Toute une génération a encaissé cette baisse sans avoir le droit de se plaindre. Nous avons payé, nous avons contribué. On nous demande aujourd’hui encore de justifier notre place alors que nous avons déjà largement participé au « redressement » du système. Cette lettre ouverte à François Bayrou n’est pas un cri d’aigreur. C’est le rappel d’une vérité trop souvent balayée.
Une solidarité qu’on oublie trop vite
Je n’ai jamais prétendu que ma génération était la plus malheureuse. Nos parents, eux, ont survécu à la guerre et reconstruit un pays en ruines. Mais nous avons travaillé plus longtemps qu’eux, et avec des règles bien plus sévères. Quarante-trois années complètes de cotisations chômage, pour ma part, sans une seule journée d’indemnisation. Voilà ce qu’on appelle la solidarité.
Pendant que nous tenions bon, d’autres perçoivent aujourd’hui des pensions sans avoir travaillé une seule minute en France. Vous trouvez cela équitable ? Nous payons la CSG, encore et toujours, parce qu’on nous désigne comme les boucs émissaires idéaux. Les élites hors-sol, comme je les appelle, deviennent hystériques à l’idée de financer des retraites pleines. Elles oublient que c’est nous qui avons cotisé le plus, que c’est grâce à nos efforts que le système a tenu.
Je n’ignore pas que certains choix politiques de ma génération ont contribué à abîmer le pays. Mais je n’ai jamais voté pour ceux qui l’ont détruit. J’ai toujours défendu la France, parfois contre mes proches qui fermaient les yeux. Cette lettre ouverte à François Bayrou n’est pas une défense aveugle, mais un témoignage. Une manière de dire que la réalité est plus nuancée que vos raccourcis.
Une fierté qui ne s’achète pas
Les boomers, comme vous aimez nous appeler, n’ont pas grandi avec des aides de l’État à chaque étape de leur vie. Nos loisirs, nos vacances, notre éducation familiale, tout a été payé par le travail de nos parents. Pas par des subventions. Nous n’avons pas été nourris de privilèges. Nous avons appris la valeur de chaque franc gagné, puis de chaque euro.
Alors, quand j’entends vos mots, je ressens un mélange d’amertume et de lassitude. Ce n’est pas l’argent qui me blesse. C’est l’injustice du discours. Nous avons porté notre part du fardeau, parfois plus que nécessaire. Et aujourd’hui, vous osez insinuer que nous vivons aux crochets des générations futures.
Cette lettre ouverte est ma réponse, mais elle pourrait être celle de milliers d’autres. Nous ne demandons pas la reconnaissance éternelle, juste un peu d’équité dans le regard qu’on porte sur nous. Parce que derrière chaque retraité, il y a une vie de travail, de sacrifices, et de silence. Et ce silence, parfois, mérite d’être brisé.
Signée : Marie-Thérèse, boomer malgré elle, patriote toujours.